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  • Photo du rédacteurSabine BRUN

Egalité professionnelle des femmes et des hommes : un sujet plus complexe qu'il n'y parait.

Dernière mise à jour : 17 avr. 2020


Comment concilier son rôle de parent, dans les conditions morales, émotionnelles et philosophiques que l’on s’est fixées, la période d’interruption professionnelle pour congés maternité, ou tout simplement sa vie personnelle et sociale, épanouissante et enrichissante, avec un souhait de carrière ambitieuse, au-delà du plafond de verre auquel se cognent les femmes ?

« J’ai voulu des enfants, j’ai voulu une carrière. Je n’ai pas voulu faire de sacrifices sur l’un ou l’autre de mes projets »

Il est 17h50, je trépigne et sens une gouttelette de


Il est 17h50, je trépigne et sens une gouttelette de sueur perler sur mon front. Je fais le maximum pour terminer cet email, que je dois ABSOLUMENT envoyer avant de partir !

Je suis frustrée de devoir interrompre mon travail mais je n’ai pas le choix.

A 18h mes enfants sortent de l’étude… A 17h55 j’ai enfin envoyé mon email, je bloque mon PC portable, le ferme, le range dans sa sacoche, j’attrape mes affaires en quelques secondes, envoie un « Au-revoir ! Bonne soirée ! » tonitruant à tous mes collègues de travail et cours prendre l’ascenseur. (Je passe sur le "Ha? Tu as pris ton après-midi ? lol" de certains car c'est un autre sujet). Puis, je cours, littéralement, dans la rue, pour gagner la sortie d’école de mes enfants, alors, 7 et 8 ans. L’école est proche, seulement 500 mètres de mon lieu de travail.


J’arrive enfin, essoufflée, devant la grille de l’école ; il est 18h04.

Ma frustration a disparu, j’ai psychologiquement abandonné mon statut de salariée pour reprendre mon rôle de mère.

Nous avons ensuite 45 minutes de voiture pour rentrer chez nous, s’il n’y a pas d’accident sur la route. Finalement, nous serons chez nous vers 19h. Juste le temps de préparer le repas, de superviser les devoirs, dîner et c’est l’heure du coucher pour les enfants, entre 20h30 et 21h00 selon les jours.

A peu près l’heure à laquelle mon mari, cadre dirigeant, va rentrer de son travail.

J’ai pressé mes enfants, à coups de « Allez ! Dépêchez-vous ! Viiiite, mets tes chaussures !! Dépêche-toi de monter dans la voiture !! » depuis le matin 6h45, au lever, jusqu’au soir, au moment de se mettre au lit.

Désormais, je suis frustrée et en colère de faire vivre cette pression permanente à mes enfants. Je suis fatiguée aussi, physiquement et nerveusement.

J’entends déjà certains penser très fort : « Mais elle pourrait prendre une nounou ? »

Oui, je le pourrais. Je l’ai fait. J’ai même emmené mon premier enfant sur mon lieu de travail, le soir, après être partie le chercher chez l’assistante maternelle. Je l’allaitais, c’était facile, il n’y avait pas de repas à prévoir. Je pouvais donc tranquillement terminer vers 21h, 22h parfois.

Mais aujourd’hui je ne souhaite plus faire faire subir ce genre de choix à mes enfants. Je ne les ai pas mis au monde pour les laisser toute la semaine aux soins et à l’éducation d’une autre personne que leur père ou moi-même. Et je ne souhaite plus vivre ce rythme effréné.

J’ai voulu des enfants, j’ai voulu une carrière. Je n’ai pas voulu faire de sacrifice sur l’un ou l’autre de mes projets. Je culpabilisais et m’autoflagellais de ne pas réussir à être la supermom que j’avais imaginée !

Et j'ai failli y passer. Un petit burnout et un cancer après, je suis sereine dans ma nouvelle activité. Je choisis mes horaires de travail. Je donne mon temps à mes enfants. Quitte à travailler ensuite jusqu'à minuit.


Cette anecdote, des milliers de femmes pourraient la raconter. De hommes aussi. Moins nombreux mais bien réels.

Des femmes et des hommes qui ne se sont pas résolus à faire passer leurs enfants en second, ou leur passion, leurs hobbies, leur parent malade, leur temps personnel, en second.

Cette anecdote vise à mettre en lumière la complexité des choix de vie que l’on doit faire, la complexité de l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle.

Car ce sujet est complexe, en effet. Il va au-delà de l’entreprise et de ce qu'elle peut mettre en place pour l'égalité femmes / hommes, pour l'équilibre vie pro / vie perso. C’est un sujet de société.

« Faut-il en arriver à quitter son entreprise au bout de 10, 15, 20 ans, avant d’y laisser sa peau ? »

Pourquoi faut-il faire 12h par jour pour être considérée comme performante, bosseuse, battante, ambitieuse, fiable ? C’est aussi vrai pour les femmes que pour les hommes.


Pourquoi, ne pourrait-on pas, TOUS, partir de notre travail entre 16h30 et 18h pour pouvoir aller chercher nos enfants à la crèche, la nounou, l’école ?

Pour pouvoir aller faire du sport, de la musique, du théâtre, n’importe quelle activité qui nous plait, qui nous fait vibrer en dehors de notre travail ?

Pourquoi le congés maternité est-il aussi pénalisant pour l’évolution de la carrière et de la rémunération des femmes ?

Ne pourrait-on pas prendre en compte le travail effectué avant et après, celui qui met sur des rails un service, avec des process, des guides, des personnes à contacter en cas de problèmes ?

Un congés maternité n’est pas inconnu, ni soudain. Il peut se préparer.

Aussi, ne pourrait-on pas allonger le congés paternité pour que les deux parents puissent se retrouver en famille pour s’épauler et profiter de cette période, qui, finalement, est si courte à l’échelle d’une vie ? Des entreprises commencent d’ailleurs à le proposer à leurs salariés et cela prouve que les pères sont en demande et commencent à être écoutés.


Faut-il en arriver au burnout ?

Faut-il en arriver à quitter son entreprise au bout de 10, 15, 20 ans, avant d’y laisser sa peau ?

Faut-il en arriver à s’engager dans une reconversion professionnelle, pour tenter de retrouver une vie personnelle plus apaisée et équilibrée mais moins rémunératrice ?

Ne faudrait-il pas tout simplement revoir nos schémas mentaux de la réussite professionnelle ?

Qu’est-ce qui fait qu’une ou qu’un employé a de la valeur pour l’entreprise ? Est-ce le travail bien fait au quotidien ou le nombre d’heures passées dans l’entreprise ? Les équipes dirigeantes doivent-elles vraiment avoir leurs N-1, N-2, "sous la main", jusqu'à 21h ?

A l’heure du digital, n’y a-t-il pas des moyens plus rapides et efficaces, pour qu’un leader emmène son équipe vers le succès, tout en passant moins de temps, toutes et tous, sur le lieu de travail ?


Je suis intimement persuadée que tant que nous n'aurons pas un autre regard sur le succès, sur la parentalité et une autre façon de travailler, toutes et tous, les femmes ne pourront pas percer le plafond de verre. Seules, celles qui acceptent le sacrifice de ne pas être présentes auprès de leurs proches, celles qui mettent en place toutes les stratégies d'adaptation possibles, aurons leur chance.

Est-ce vraiment cela que nous envisageons pour l'avenir de notre société ?


Annabel Uzan, dirigeante associée de Reflexens.


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